Alors qu’il est encore nourrisson, les parents de Xavier Soors l’amènent chez le médecin. Le diagnostic est clair : leur fils est atteint de déficience auditive. Autrement dit, il est malentendant . Aujourd’hui, Xavier est ingénieur au Centre National d’Études Spatiales à Toulouse. Sa mission consiste à coordonner l’envoi d’immenses ballons stratosphériques pour aider la recherche astronomique et scientifique. Pour Ava, Xavier témoigne des atouts et des défis du statut de travailleur handicapé #rqth au sein de l’entreprise. Attention, décollage imminent !
Un parcours de haut vol
Ava—Bonjour Xavier. Peux-tu te présenter en quelques mots ? Quel est ton parcours académique ?
Bonjour, je m’appelle Xavier Soors, j’ai 36 ans et je suis ingénieur de formation. Jusqu’à présent, ma carrière se situe dans les domaines aéronautique et spatial. J’ai un petit handicap qui n’est pas forcément visible au premier abord : je suis malentendant. Cette surdité est une surdité de naissance. Depuis l’âge de 14 mois, je porte des appareils auditifs. J’ai pourtant suivi une scolarité normale dans des établissements dits « classiques ».
En parallèle, j’ai suivi des cours d’orthophonie durant 15 ans pour parfaire mon élocution et mon niveau de français. Ensuite, j’ai fait des études supérieures à l’ESTIA de Bayonne, complétées par un Master of Science à l’Université de Cranfield au Royaume-Uni.
Ava—Où en es-tu au niveau professionnel ?
Depuis presque 10 ans, je travaille dans le secteur spatial au CNES, plus précisément dans le domaine des ballons stratosphériques. Ce sont des ballons dont la hauteur peut rivaliser avec celle de la tour Eiffel. Ils volent dans la stratosphère (qui est une des couches supérieures de l’atmosphère), soit à environ 30–40 km d’altitude. En dépassant les couches polluées de l’atmosphère, les scientifiques peuvent apercevoir des étoiles bien spécifiques ou prélever des particules chimiques pour réaliser ensuite des analyses approfondies. Ainsi, on peut définir plus précisément des modèles météorologiques, par exemple.
Deux grands objectifs sont sous-jacents à l’envoi de ces ballons : l’appui à la recherche astronomique et à la recherche scientifique.
Réalisation des essais sur une charge utile © Frédéric Maligne
Le statut RQTH : plus d’aisance, plus de facilité et de productivité
Ava—Es-tu reconnu travailleur handicapé (RQTH) ? Comment vis-tu le fait d’être malentendant au sein de l’entreprise ?
Invisible au premier abord, j’ai appris à vivre avec ce « petit handicap ». J’ai eu une scolarité normale, je fais beaucoup de sport et d’activités extra-professionnelles. Dès mon arrivée en poste au CNES, j’ai bénéficié d’une reconnaissance RQTH.
Cela m’a permis d’obtenir un financement pour acheter du matériel audio spécifique. En effet, j’ai actuellement des oreillettes Bluetooth compatibles avec mes aides auditives. Sans cette aide technique, j’entendrais mal mon interlocuteur au téléphone. Tout deviendrait plus complexe au quotidien.
Ava : ne plus perdre le fil de la discussion
La RQTH me permet aussi de bénéficier de certains logiciels de retranscriptions instantanées tels que Ava. La version payante, plus précise que la version gratuite, m’ouvre les portes de visioconférences, d’audioconférences et de conversions téléphoniques collectives.
Au-delà de 5 participants, il est difficile de savoir qui parle lorsqu’on n’a pas ce type de retranscription. Parfois, les micros sont de faible qualité et on a peur de perdre le fil de la discussion. L’application est sécurisante : je ne suis pas obligé d’avoir les yeux rivés sur l’écran en permanence pour suivre la discussion. La lecture labiale est aussi un outil important pour moi.
Le handicap invisible : source de stress et d’anxiété
Quand on rencontre de nouveaux collaborateurs dans l’entreprise, on n’ose pas forcément dire qu’on est porteur d’un handicap. On n’ose pas toujours faire répéter ces personnes par peur d’être mal vu ou de l’irriter. Parfois, ça peut jouer en notre défaveur.
De même, les grandes réunions en présentiel—au-delà d’une dizaine de personnes—peuvent générer de l’anxiété. Entendre ce que disent les personnes situées à l’autre bout de la salle, ce n’est pas toujours évident.
Le fait que mon handicap soit invisible peut être source de stress.
Heureusement, les outils techniques fournis grâce à mon statut RQTH m’offrent une grande sérénité.
Préparation d’une expérience scientifique qui sera intégrée sur une nacelle © Frédéric Maligne
Le défi du travailleur handicapé #RQTH : être proactif et affirmer ses besoins
Ava—Quels sont les atouts et défis qu’offre ce statut particulier ?
Il y a encore quelque temps, il y avait énormément de démarches administratives à faire pour bénéficier du statut RQTH. Tous les 5 ans, il fallait renouveler la demande et refaire tout le dossier. C’était complexe et lourd en matière d’administratif. Pourtant, nous avions la chance d’être accompagnés par les référents handicaps de l’entreprise. À présent, ce statut est reconnu à vie : c’est un grand soulagement !
Pour moi, ce statut comporte surtout des avantages administratifs. Si je le veux, je peux garder cette information pour moi. Ce n’est pas marqué sur ma carte d’identité. Et puis une fois que mes collègues sont informés, on peut « passer à autre chose ».
Le statut #RQTH nous facilite la vie, mais ne définit pas qui on est.
Par ailleurs, il arrive que les référents handicaps ne soient pas toujours force de proposition. Quand il faut trouver des salles de réunions insonorisées ou des aides techniques pour faciliter l’intégration d’un collaborateur sourd-muet ou malentendant, c’est parfois à lui d’en faire la demande.
Si la personne malentendante est de nature réservée et n’ose pas, elle peut s’enfermer dans un grand mal être.
Certaines structures sont aussi réticentes à utiliser des outils de retranscription tels que Ava, pour des raisons de sécurité informatique. Enfin, je pense qu’il faudrait sensibiliser les entreprises, plus particulièrement les TPE/PME sur :
- les dispositifs de recrutement de travailleurs handicapés
- les outils disponibles et la constitution d’un dossier RQTH.
Elles ne sont pas toujours au courant de toutes ces ressources-là.