Avant la crise sanitaire liée au Covid-19, les salariés et demandeurs d’emploi en situation de handicap auditif étaient déjà confrontés à des barrières de communication. Qu’en sera-t-il à la sortie de cette crise ?
La crise sanitaire fait partie de notre quotidien depuis plus d’un an, les taux de vaccination continuent à grimper dans beaucoup de pays et un monde post-pandémie se dessine en perspective.
De nombreux cadres et d’entreprises croient en une démocratisation du télétravail qui pourrait apporter de nouvelles opportunités pour l’organisation du travail de demain. Le modèle hybride qui allie présentiel au bureau et travail à distance est susceptible de perdurer.
En France, l’accès à l’emploi des personnes sourdes et malentendantes est un combat au quotidien. Le nombre de personnes sourdes et malentendantes sans emploi est largement supérieur à celui des demandeurs d’emploi n’ayant pas de déficience auditive.
Il manque malheureusement des données récentes sur les taux d’emploi des sourds et malentendants mais les employeurs considèrent souvent que l’intégration des personnes souffrant de handicap sensoriel reste difficile.
Et pourtant il existe des solutions de compensation qui facilitent l’accès à l’emploi et la sécurisation des parcours.
La crise sanitaire liée au COVID-19, avec le recours massif au télétravail, a accentué davantage le fossé et l’isolement de cette communauté. Les résultats de l’enquête “Travail et Surdité” publiés en juin dernier (source Union des Associations Nationales pour l’Inclusion des Malentendants et Sourds — Unanimes, enquête d’octobre 2020 à mars 2021 auprès de 232 travailleurs des secteurs privé et public) pointent la problématique du handicap invisible en entreprise et l’inadaptation des dispositifs d’accessibilité en matière d’aménagement de poste de travail et de télétravail.
En effet, “pour 36% des personnes sourdes et pour 62% des personnes malentendantes sondées, l’Entreprise ne connaît pas suffisamment le sujet de la surdité et de la malentendance”.
“2 personnes sourdes ou malentendantes sur 3 ont retrouvé le même dispositif d’accessibilité qu’avant la crise sanitaire, 1 personne sur trois a conservé le dispositif mis en place pendant la crise”.
La formation et sensibilisation au handicap en entreprise reste un sujet à fort enjeu, ainsi que la prise en compte, au cas par cas, des besoins de la personne concernée pour mieux adapter son environnement de travail et lui permettre une totale autonomie pour concilier vie professionnelle sur site et à distance.
Aux Etats Unis, la situation de l’emploi des personnes sourdes et malentendantes est aussi alarmante. Le Harvard Business Review prévoit un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, une meilleure productivité des employés et l’avantage supplémentaire de réduire les émissions de carbone avec moins de déplacements. Le vice-président de Facebook Reality Labs, Andrew Boz, a tweeté que son entreprise envisage “des espaces de travail virtuels infinis qui feront naître des opportunités sociales et économiques pour les gens, évinçant des obstacles induits par la localisation physique”.
Mais les plans de reprise post-COVID-19 briseront-ils certains obstacles tout en laissant d’autres fermement en place? À quoi va ressembler l’avenir de l’emploi pour les demandeurs d’emploi sourds et malentendants?
Nous savons à quoi ressemble le présent. Aux États-Unis aujourd’hui, seulement 53,3% des personnes sourdes âgées de 25 à 64 ans ont un emploi, contre 75,8% des personnes entendantes, soit un écart d’emploi de 22,5%. Howard A. Rosenblum, PDG de l’Association nationale des sourds (NAD), a déclaré à Ava que les chiffres actuels de l’emploi dans la communauté des sourds et malentendants sont inacceptables. Le côté positif, a-t-il ajouté, est qu’il ne faut pas abandonner les efforts.
«Les taux d’emploi des personnes sourdes et malentendantes ont toujours été lamentables, ainsi la stagnation n’est pas possible et tout serait une amélioration», a déclaré Rosenblum. «La possibilité d’avoir du sous-titrage à distance et des traductions à distance sur de nombreuses plateformes et systèmes de visioconférence, permet de rendre le travail plus accessible, c’est donc un point positif. Cependant, davantage d’employeurs doivent être prêts à embaucher des personnes sourdes et malentendantes. »
Et ils devraient être plus que disposés à le faire, soutiennent des experts comme Carrie Lou Garberoglio, PhD, directrice associée du Centre national des sourds sur les résultats post-secondaires (NDC).
«Les personnes sourdes sont déjà prêtes à s’adapter dans des circonstances difficiles», a déclaré Garberoglio lors d’un panel #DeafatWork organisé par NDC l’été dernier. «La pandémie ajoute une autre dimension, celle d’ « avantage sourd » qui met l’accent sur les atouts de la communauté sourde pour penser de manière créative, trouver des solutions et adopter les nouvelles technologies pour se connecter et communiquer.»
Réduire l’écart
Les leaders d’opinion travaillent d’arrache-pied pour s’assurer que les candidats sourds et malentendants comblent l’écart d’emploi susmentionné dans un monde post-COVID-19.
John Macko, directeur du Centre sur l’emploi de l’Institut national technique pour les sourds (NTID), aide les employeurs — qui recherchent un avantage concurrentiel en diversifiant leurs offres — à entrer en contact avec des diplômés du NTID dans divers domaines techniques, notamment l’ingénierie, la précision en matière de fabrication, et le développement d’applications mobiles.
Son premier conseil aux demandeurs d’emploi sourds et malentendants : Savoir ce que vous attendez d’un employeur et ce que vous pouvez apporter en tant qu’employé.
«Tout d’abord, vous devez savoir si vous souhaitez travailler pour une grande entreprise, une petite entreprise, une organisation à but non lucratif, une institution publique. C’est la règle numéro un », a-t-il déclaré. «Puis, posez-vous la question: qui êtes-vous en tant que demandeur d’emploi ?
Il est si important d’avoir un projet professionnel précis et clair, ce qui signifie que vous connaissez et comprenez vos compétences techniques. Enfin, vous devriez être capable de communiquer et de vendre vos compétences humaines, ce que j’appelle les softskills. Quel est votre degré de motivation ? Vous intégrez-vous facilement ? Êtes-vous un travailleur acharné ? »
L’effet de réseau
Au NTID, l’une des neuf universités du Rochester Institute of Technology, Macko travaille chaque année avec des centaines d’étudiants à la recherche d’un emploi dans l’une des plus grandes universités technologiques au monde pour les étudiants sourds et malentendants. Il a identifié un facteur qui explique que la grande majorité de ses étudiants obtiennent un emploi.
«Entre 75% et 80% des demandeurs d’emploi diront qu’ils ont trouvé du travail grâce au réseautage, grâce aux personnes qu’ils connaissent», a déclaré Macko. «Et c’est là la connexion que non seulement moi-même et mon équipe faisons, mais que les chercheurs d’emploi font eux-mêmes. Vous devez donc savoir qui est votre réseau, où se trouve votre réseau et quand vos pairs sont en réseau. »
Jamie Perlman, sourde et âgée de 35 ans, a perdu son emploi de Responsable Marketing dans une galerie des beaux-arts du sud de la Californie pendant la pandémie. Elle a tout mis en œuvre ces derniers mois pour trouver du travail. Perlman, qui vit à Los Angeles, a utilisé Ava pour optimiser le sous-titrage lors d’entretiens d’embauche et de rencontres avec des amis sourds et malentendants sur Zoom. Elle vient de commencer des cours avec SV Academy lui permettant éventuellement de débuter une carrière en tant que Représentante des ventes. Mais elle attend toujours de savoir s’ils approuvent ses demandes d’adaptation pour les prochaines sessions de formation virtuelle.
«Écoutez, je sais comment faire partie d’une équipe, mais pourquoi dois-je toujours être la personne qui demande? Cela fait partie de la discrimination», a déclaré Perlman. «Ce n’est pas dans l’esprit des employeurs de se demander comment ils peuvent travailler en équipe avec moi. À moins que je ne leur dise haut et fort."
Les employeurs vont-ils s’engager ?
En 2018, Hannah Olson, 25 ans, s’est également retrouvée en train de crier dans le vide. Olson, qui lutte contre la maladie de Lyme chronique, a réalisé que sa maladie et que des adaptations convenables étaient peut-être quelque chose de totalement inconnu des employeurs. Elle n’a pas trouvé de réseau permettant à d’autres demandeurs d’emploi privés de leurs droits d’interagir avec des employeurs flexibles. Elle en a ainsi créé un. En 2019, Olsen a fondé Chronically Capable, une startup de recrutement qui met en relation des demandeurs d’emploi marginalisés à haut potentiel et des employeurs inclusifs.
«J’aime dire à tout le monde qu’il est si important de savoir que vous n’êtes pas seul», a déclaré Olson. «Je pense que la recherche d’emploi est l’une des expériences les plus isolantes. Je pense donc qu’il est essentiel de faire partie d’une communauté. »
Les demandeurs d’emploi sourds et malentendants peuvent trouver une communauté dans des endroits comme la plate-forme d’Olson. Là, les employeurs qui collaborent avec Chronically Capable, tels que Postmates, Mayv, Organized Q et bien d’autres, réalisent des audits complets sur la diversité et mettent en place une formation pour créer des messages inclusifs, mettre en avant des pratiques de recrutement, ainsi que le renforcement de l’esprit d’équipe.
«Le travail à distance crée une tonne d’opportunités supplémentaires», a déclaré Olson. «Nous essayons de créer un espace où les gens se sentent à l’aise pour échanger et partager des ressources et développer du soutien. Je pense que la première question pour les demandeurs d’emploi est assez évidente: cet employeur va-t-il s’engager ?
Nous voulions créer un espace où vous comprendrez sans équivoque que si vous êtes demandeur d’emploi sur la plate-forme, vous êtes convaincu que cet employeur va vous soutenir et vous veut. Ce faisant, nous éliminons une grande partie de la stigmatisation et de la peur qui sont liées au processus d’embauche — afin que nos chercheurs d’emploi se sentent plus à l’aise. “
— Oren Peleg
Pour plus d’informations sur les solutions d’accessibilité Ava, cliquez ici.