Connaissez-vous les Deaflympics ou Jeux Olympiques Mondiaux des Sourds ? Tous les 4 ans, les meilleurs athlètes sourds ou malentendants du monde entier excellent dans leurs spécialités sportives et galvanisent les spectateurs. Ils repoussent leurs limites pour monter sur les plus hautes marches des podiums en athlétisme, badminton, cyclisme, football, golf, judo, natation, tennis, tennis de table et volley. La crise sanitaire avait eu raison de l’événement en 2021. Cette fois, le compte à rebours a commencé pour la 24e édition des Deaflympics à Caxia Do Sul au Brésil, du 1er au 15 mai. Le départ est imminent… GO les champion.nes !!!
L’impulsion des Deaflympics
À l’origine : un grand militant de la cause sourde
Grand oublié de l’histoire, le sport sourd émerge de l’ombre grâce à Eugène Rubens-Alcais. Ce mécanicien de formation, sourd et muet de naissance, crée la Fédération Sportive des Sourds-Muets de France en 1911, puis les Jeux Internationaux Silencieux treize ans plus tard. Convaincu que les athlètes sourds méritent leurs propres compétitions internationales et indépendantes, il diffuse largement cette idée à travers son magazine Le Sportman Silencieux.
Deaflympics : la plus ancienne compétition multisports après les JO
En 1924, Eugène Rubens-Alcais s’associe à Antoine Dress, un athlète belge sourd avec lequel il initie un nouveau mouvement paraolympique et multisports sourd : le Deaflympics.
La première édition des Jeux Internationaux du Silence réunit à Paris 148 athlètes sourds—dont une femme—provenant de 9 pays. Les sportifs s’y affrontent autour de 6 disciplines sportives : l’athlétisme, le plongeon, le football, le cyclisme, le tir sportif et le tennis. La seule femme à intégrer la compétition est d’origine hollandaise : elle se nomme Nicolini Van Der Heyden Hendrika. Lors de l’épreuve de natation, elle remporte une médaille d’or.
Les Deaflympics 2022 accueillent plus de 6000 sportifs de haut niveau provenant de 100 pays à travers le monde. Le Brésil sera le premier pays d’Amérique latine à accueillir les Deaflympics d’été. Ce sera également le plus grand événement multisports organisé dans le Rio Grande do Sul.
En mémoire du grand homme : le Rubens Alcais Award
Précurseur, militant, cycliste accompli, celui qu’on surnommait le baron de Coubertin sourd-muet a fait honneur aux exploits sportifs réalisés par la communauté sourde. Afin de lui rendre hommage, l’International Committee of Sport for the Death a créé le Rubens-Alcais Awards. Celui ci récompense une Fédération Nationale pour sa contribution au développement et à la promotion du sport sourd au cours des deux dernières années.
Des sportifs de haut niveau sans aide auditive
Une détermination hors du commun pour exceller
Pour participer à cette compétition qui prend place tous les 4 ans, les athlètes ont deux obligations qui les placent à égalité :
- Posséder un seuil d’audition inférieur à 55 dB ;
- N’avoir aucune aide auditive durant les épreuves ;
Comme l’explique Arnaud Repellin, ancien champion olympique de ski alpin médaillé d’or aux Deaflympics de 1995, la pratique sportive est fortement impactée par le handicap. Elle nécessite d’exacerber ses capacités sensorielles et d’anticiper les obstacles encore plus que ne le ferait un sportif valide.
L’oreille interne dans le débrouillard etla communication dans le viseur
« Un jour, alors que je skiais avec Franck Piccard (1er champion olympique de super-G de l’histoire), je lui ai demandé de se boucher les oreilles. J’ai fini par remporter la course, car le déséquilibre créé par la perturbation de l’oreille interne l’empêchait de skier. Aujourd’hui, dans le domaine du ski alpin, des sportifs de haut niveau s’entraînent à se boucher les oreilles et à porter un masque avec une visibilité très faible pour affûter leur mémoire visuelle et anticiper leurs itinéraires. »
Pour la pratique du vélo, il précise que l’adaptation de la communication est aussi nécessaire : « Les enjeux de communication sont essentiels pour aménager la pratique sportive sourde. Je me rappelle d’un épisode où je faisais du VVT. Mes collègues valides ont dit : « Hé les gars, on va vers la gauche plus loin » en pointant une direction du doigt . Tout de suite, je tourne à gauche… et me précipite vers une falaise ! Il y a une sensibilisation à exercer en continu pour faire changer les mentalités et adapter la communication. »
L’élite française du sport sourd capable
YES WE CAN ! Selon Arnaud Repellin : « On est capable, on le montre et on le fait ! » pourraient être les mots d’ordre des 56 athlètes français en partance pour le Brésil. En 2017, à Samsun en Turquie, ils avaient remporté 9 médailles, dont une en or. Cette année, ils visent encore plus haut, plus fort et plus d’or.
Les sportifs affiliés à la Fédération française handisport (FFH) représenteront dix disciplines : athlétisme, badminton, cyclisme, football, golf, judo, natation, tennis, tennis de table et volley. Parmi les 11 athlètes féminines sélectionnées pour les Deaflympics 2022, Makasidy Omar, explique que :
« Je pratique l’athlétisme depuis l’âge de 8 ans. Je suis licenciée à la fédération française handisport depuis 2013. À travers toutes ces années de pratique, l’athlétisme m’a transmis beaucoup de valeurs telles que : la solidarité, la force, le respect, le dépassement de soi et l’espoir. »
Marie Rivereau, perchiste sélectionnée pour les Deaflympics 2002 remarque : « La surdité est un handicap qui isole beaucoup. Notre participation aux Deaflympics permet qu’on lutte contre ça. Quand on était plus jeune, on souffrait, on se cherchait. Le fait de réussir dans quelque chose, ça nous fait dire que, même avec un handicap, on peut réussir aussi bien que les autres ! »
Le teaser des Deaflympics 2022 annonce : Attitude. Courage. Détermination. Concentration. Unité. Souhaitons à tous nos brillants athlètes d’emporter ces valeurs dans leurs bagages et de nous ramener de flamboyantes médailles ! GO les champion.nes !!!